L'AMANT

de Harold Pinter
traduction : Alessandra Serra

projet, interprétation et mise en scène
Elena Bucci et Marco Sgrosso

CTB Teatro Stabile di Brescia
en collaboration avec Le belle bandiere
avec le soutien de la Ville de Russi (Ravenne)

musiques : Elena Bucci - lumières : Maurizio Viani - régie plateau : Giovanni Macis - régie lumières : Gianluca Bergamini - son : Raffaele Bassetti - chargée de diffusion CTB : Bianca Simoni - administration : Federica Cremaschi - photos : Umberto Favretto


Parallèlement à notre recherche de relecture des textes classiques, nous poursuivons notre parcours dans la dramaturgie contemporaine, en abordant un grand auteur dont l’écriture nous paraît très actuelle pour son authenticité.
Harold Pinter, révélateur impitoyable des vides conventions et des absurdités réconfortantes, particulièrement lorsqu’elles sont camouflées sous une apparence de tranquille normalité, projette, par son regard lucide et cruel, une possibilité d’existence plus vitale, en renversant les modes et les formules de la communication.
Cette nouvelle possibilité de vie jaillit de la conscience de la douleur engendrée par son manque, et de l’admission d’une incapacité très actuelle de savoir, ou vouloir la définir clairement.
Richard et Sarah… mais aussi Max et la Putain…
Voilà un couple bourgeois apparemment heureux, - à l’inverse du mythe d’Amphitryon et Jupiter, qui restaient, tout en gardant leur apparence, le mari et l’amant de l’ignare Alcmène – qui joue tous les rôles et qu’admet la possibilité désorientante de la coexistence d’identités différentes dans chaque individu.
Avec une rapidité foudroyante, par une suite hilarante de tableaux à la saveur légère, dans la lumineuse claustrophobie du pavillon des époux, percé par un soleil aveuglant d’un dehors qui reste interdit à l’action, le jeu des relations et des identités se dessine par des signes nets et ironiques – la cravate, la passerose, les cocktails, les talons hauts, la crème fraîche, les bongos – et glisse au fur et à mesure dans des tons plus sombres et inquiétants.
Contraints dans un espace sans issues, sauf les fausses sorties dans un périmètre qui se restreint, Richard et Sarah doivent faire face à la vérité changeante et fuyante de leur être-ensemble.
D’où naît la nécessité de ce subtil jeu de massacre, cruel et amusé? Quelle liberté, quel parfait équilibre poursuit-il? Ou alors, quelle peur fuit-il? Est-ce un jeu volontaire ou inévitable? Et encore: admet-on l’emploi du bluff? Et que se passe-t-il lorsqu’à l’improviste quelqu'un en enfreint les règles?
A travers un texte parsemé de petits pièges – qui conjugue le théâtre, le cinéma et le radio-drame en parfaite élégance de style et combinaison de tons ironiques et tragiques – nous nous interrogions sur le mystère de l’attraction, de l’ennui, de l’amour, de la complicité, aussi bien que sur le péril lié à l’effort de créer un lien unique et indissoluble, en équilibre instable entre la vérité et le mensonge, qui engendre… une alliance? une prison? un abri? un tremplin?
Par faute de réponse univoque, ce qui reste c’est la beauté du voyage.